EIA 2024 : Une consigne d'objectifs illégale



Une consigne sur les objectifs pour tous les EIA sur la Plateforme Normandie a été communiquée pour notre plateforme.

Les objectifs définis sont :

1. Objectif TRIR < 1 pour tous les salariés

Comment chaque salarié peut-il contribuer à la réalisation de cet objectif ?
La nature de cet objectif soulève plusieurs problématiques :

  • Il pourrait encourager certains salariés à dissimuler des accidents afin de ne pas impacter négativement les résultats globaux.
  • On peut également craindre qu’un salarié qui se blesse soit considéré comme n’ayant pas atteint son objectif, ce qui pourrait générer un sentiment d’injustice et de culpabilité.

Ces dérives potentielles soulignent le danger d’une approche focalisée sur des statistiques, au détriment d’une réelle amélioration des conditions de travail et de la prévention des risques.

2. Objectifs Tier 1 & 2 et disponibilité pour tous les salariés

Ces objectifs concernent les incidents (feux, fuites) et le nombre de jours de fonctionnement des unités. Pour Force Ouvrière, ces indicateurs dépendent principalement de la maintenance des installations.
Cependant, les budgets actuels apparaissent insuffisants, ce qui est régulièrement constaté par les salariés. Avec une réduction annoncée de 20 % des prestations des entreprises sous-traitantes, une diminution significative des travaux de maintenance est à prévoir. Cela impactera directement la fiabilité des installations.
Par ailleurs, quel rôle précis un salarié d’un service fonctionnel peut-il avoir dans l’amélioration de la disponibilité des unités opérationnelles ?

3. Objectif de respect des frais fixes de production et logistique

Cet objectif est assigné jusqu’aux chefs de quart ou responsables de quart (CDQ/RDQ). Mais comment un CDQ ou RDQ pourrait-il agir directement sur des frais fixes, qui dépendent essentiellement des salaires, des équipements de protection individuelle (EPI) ou de la maintenance ? Cela pourrait les contraindre à prendre des décisions contre-productives, comme :

  • Ne pas remplacer un salarié absent si cela entraîne des heures supplémentaires,
  • Refuser de remplacer des EPI usagés pour limiter les coûts.

Force Ouvrière estime que ces objectifs sont irréalistes et inatteignables.

Rappel des dispositions légales

La fixation d’objectifs irréalisables lors de l’entretien individuel annuel (EIA) est contraire aux principes fondamentaux du droit du travail. La jurisprudence de la Cour de cassation précise que :

  • Les objectifs assignés doivent être réalistes et réalisables,
  • Fixer des objectifs inatteignables constitue une atteinte au droit du salarié à une évaluation juste et proportionnée,
  • Dans le cas où une partie de la rémunération est conditionnée à l’atteinte des objectifs, leur caractère irréalisable peut être considéré comme une faute grave de l’employeur.

Conséquences juridiques possibles pour l’employeur

Un employeur ayant fixé des objectifs irréalisables s’expose à plusieurs sanctions :

  1. Obligation de verser la rémunération variable comme si les objectifs avaient été atteints.
  2. Prise d’acte de rupture ou résiliation judiciaire du contrat de travail par le salarié.
  3. Dommages et intérêts en cas de préjudice subi par le salarié.

De plus, les objectifs doivent être définis clairement, communiqués en début de période et ne peuvent être modifiés en cours d’année sans l’accord du salarié, sous peine de constituer une modification unilatérale du contrat de travail.

Conclusion

Les consignes imposant des objectifs illégaux ne peuvent être appliquées. Les salariés ont le droit de refuser de signer leur EIA dans ce contexte.
Les managers, quant à eux, ont la responsabilité de fixer des objectifs réalistes et adaptés, en tenant compte des missions et capacités de chacun, tout en respectant la légalité et les bonnes pratiques.

Une gestion juste et adaptée des objectifs permet non seulement de préserver un climat de travail sain, mais également d’éviter des conflits inutiles.